« MON EPEE !!! REND MOI MON EPEE VOLEUR ! » criait un jeune garçon dans la cour du château d’Amakna, poursuivant un autre qui courait en riant et en brandissant une épée d’entraînement en bois.
Le premier était assez chétif. Le teint pâle, les cheveux longs. Il se dégageait de sa personne une impression de timidité, de touchante naïveté. Le deuxième quant à lui était grand, fort, costaud, et on sentait déjà poindre une musculature puissante qui ferait de lui un formidable guerrier.
Ils semblaient avoir tous deux guère plus d’une dizaine d’années.
Soudain, heurtant un pavé légèrement sorti du sol, le poursuivant tomba durement sur le sol, s’écorchant les genoux.
L’autre jeune homme revint sur ses pas, et contemplant son adversaire gisant à terre les larmes au coin des yeux, il lui dit « Tient, la voilà ton épée, imbécile ! » et il cassa la faible lame en deux sur son genou avant de lancer les deux moitiés à présent inutiles par terre. Puis il s’en alla en riant, escorté par quelques admirateurs se moquant du pauvre enfant à terre.
Le jeune garçon se releva, les larmes commençant à couler malgré ses efforts vains pour les retenir. Il ramassa les deux morceaux de son épée et s’isola un peu à l’écart dans une arrière cour peu passante.
Là il laissa les larmes couler librement et ne retint plus les sanglots qui montaient en lui.
C’est alors qu’une voix sage et compatissante retentit derrière lui :
« Allons mon enfant, pourquoi toute cette tristesse ? »
Dans un élan de fierté, le jeune garçon essuya ses larmes et se retourna vers le nouveau venu.
Il s’agissait d’un vieil Enutrof, arborant l’emblème de la maison des Houze : une pelle en or entourée de pierres précieuses avec en dessous la devise de la lignée : « Si vis pellem, para bierum » autrement dit si tu veux la Pelle, prépare la bière. Il s’agissait d’un des plus estimés conseillers du roi d’Amakna, et le garçon resta un moment honteux et confus d’avoir été pris en flagrant délit de faiblesse.
« Maître Houze, pardonnez-moi, ce n’est rien d’important je vous assure ! »
Le vieil homme regarda les restes de l’épée de bois près du jeune garçon,
« C’est Nyx qui a cassé ton épée ? » demanda Houze.
Le jeune garçon s’empourpra à l’énoncée du nom de son tortionnaire.
Il garda le silence, car dénoncer un camarade si vil soit-il à un responsable du palais aurait été pour lui une honte encore plus grande que l’affront qu’il avait subit.
L’Enutrof sourit avec gentillesse.
« Comment t’appelles-tu mon enfant ? » demanda t’il.
«Je m’appelle Erèbe Maître Houze » répondit-il.
« Voudrais-tu devenir mon apprenti dans l’art du combat, afin que nul ne sois plus en mesure de rivaliser avec toi ? ou bien préfères tu te forger ta propre expérience du monde et développer tes talents sans mon aide ? »